samedi 5 septembre 2009

Vendredi 14 août 2009

Le vide a refait surface. Je m'y engouffre.

Sur Haight Street, je passe deux heures et demie chez Amoeba et en ressors avec une vingtaine de CD. Pas calmée, je claque ma thune en fringues et organic latte dans presque chaque magasin de la rue. Je dépense des sommes indécentes. Dès que je sors ma carte bleue, j'ai cette même sensation que quand j'approche ma main du four. Ca brûle, mais ça fait du bien. Mordre. Plaisir coupable.

Je rejoins Vanick chez lui, dans la soirée. Nous devons aller au restau. Ses "roomates" font un barbecue dans le jardin et vendent des tableaux sur le trottoir. Quelques verres de vin plus tard, le restau est oublié et mon nouveau crew américain m'offre une tournée de shots dans le bar d'à côté.

Il y a Ryan, un basketteur géant autant passionné par le hip-hop que par les grills, et dont je comprends difficilement l'accent un peu trainant. John, à moitié caché par sa casquette et qui rit tout le temps avec une grosse voix rauque. Et Scott, le plus bizarre de tous, qui vit sur North Beach et doit appartenir à un milieu beaucoup plus bourgeois que tout les autres.

Au détour d'une phrase tout ce qu'il y a de plus banale, Scott s'arrête et me demande : "You wanna fuck?"

Le tourisme sexuel présentant peu d'intérêts, je veux rejoindre mon canapé dans les Pacific Heights. Vanick est déjà parti se coucher ; je m'énerve contre les pavés du mur. Je suis un peu perdue au milieu de la cour, mon portable dans la main, prête à t'envoyer un message pour un peu de réconfort, pour savoir, si, peut-être, il serait possible...

Ryan propose de m'accompagner jusqu'à un arrêt de bus qui me ramènera chez moi. J'ai moins froid. En attendant mon chauffeur, je lui fais écouter Rordiguez. Il est déçu ; "this is folk music", qu'il dit. Il me promet de me faire une liste de groupes à écouter avant mon départ.

A bientôt, donc.

jeudi 3 septembre 2009

Jeudi 13 août 2009 : Virée artistique

Je déjeune pour la première fois dans le restaurant de mon oncle, avec Laurice. Vanick nous rejoint de temps en temps, entre deux clients. J'adore cet endroit ; j'y retrouve toute l'ambiance familiale qui me manque depuis que les "soirées arméniennes" se sont raréfiées. Il y a les épices que ma grand-mère met dans ses plats, les chansons qu'on a toujours entendues, Charles Aznavour en tête, le café turc et son marc qui prédit l'avenir, les décorations qui s'entassent sur les murs, les tapis orientaux, les saveurs d'enfance et les mots d'arménien qui surgissent au détour d'une phrase. Je me sens bien ; j'ai envie de me poser un peu après avoir enchainé les visites pendant quelques jours.


* Lire dans le marc de café *

Je descends Fillmore Street maquillée comme une pouffiasse par les vendeuses de Benefit chez qui j'ai eu le malheur de mettre les pieds. Je passe de friperie en friperie, essaye, achète, repose. Ici, j'ai l'immense bonheur de ne pas faire du shopping au son de Florent Pagny ou Christophe Maé mais en écoutant Rodriguez et les Pretty Girls Make Grave. Je souris à chaque nouvelle chanson. Cette ville est quand même chouette.

J'arrive au Museum Of Modern Arts les bras chargés de paquets estampillés "fifille". J'hésite longuement ; il ne me reste plus beaucoup de temps. Tant pis, la tentation de voir des Matisse, Magritte ou Rothko est trop forte. Je cours dans les couloirs et me laisse totalement absorber par mes oeuvres favorites. Je suis chaque fois émerveillée par ces tableaux. En particulier La Femme au chapeau de Matisse et l'anecdote qui va avec. Ce tableau faisait partie de l'exposition qui a annoncé le début du mouvement "fauve", selon l'expression d'un critique d'art pour qualifier la peinture excessivement colorée de ces artistes. Le tableau de Matisse présente une femme peinte de toutes sortes de couleurs. Lorsqu'on lui a demandé "De quelle couleur est la robe de cette femme?", Matisse a répondu : "Noir, évidemment."

Cette anecdote a toujours résumé ce qui m'intéresse le plus dans la peinture - et peut-être l'art en général. Ce n'est pas ce qui est représenté qui est important, mais là où la représentation nous emmène - son ailleurs. Ce n'est pas ce que l'oeil voit qui compte, mais ce que le corps ressent. En regardant le visage de cette femme, je ne le vois pas vert. Mais ce vert me raconte énormément de choses.

Bref.

Je termine ma visite un peu en catastrophe au Peet's du coin de la rue. "Today is eighties day". Un homme d'une trentaine d'années commence à me parler. Il ne compte vraisemblablement rien commander. Il est simplement venu voir à quoi ressemblait une "journée années 80" au Peet's du MOMA. Au bout de deux minutes, il me tire par le bras "I have to show you something". Il m'entraine hors de la boutique et m'emmène dans une galerie d'art, juste à côté, où a lieu le vernissage d'une exposition sur le thème des sans abris. Nous ne regardons pas les oeuvres ; nous discutons.

L'inconnu s'appelle "Lego" - c'est en tout cas comme ça qu'il se présente. Non pas qu'il crée des choses avec des Légos, mais il aime leur forme, ce qui s'y rapporte, et "les gens qui ressemblent à des légos". Je ne sais pas bien comment prendre cette remarque...

Lego me parle de vernissages et de fêtes à San Francisco, d'un "David Bowie bal" qui aura lieu demain soir, me propose de m'y emmener. Je lui parle des Etats Unis qui sont trop grands pour moi, de la France et je lui donne l'adresse du site web de Thibault.

Je dois absolument partir. Rendez-vous est pris ce soir pour un autre vernissage, assez loin dans le Mission.

Je rejoins Laurice devant le Castro, un magnifique cinéma rouge et or d'apparence baroque. Elle m'emmène dans Carlion Street, une ruelle où les murs sont recouverts de graffitis magnifiques et gigantesques. Des groupes de Mexicains font du skate-board au milieu du passage. L'ambiance est étrange. Il y a comme un léger parfum de danger entre ces hauts murs un peu glauques mais j'ai l'impression que nos deux mondes sont tellement étrangers qu'ils ne se rencontreront pas, quoi qu'il arrive. Comme si nous nous regardions tous, chacun abrités derrière une vitrine.








Laurice ne se sent plus très en sécurité à San Francisco, depuis qu'elle a été suivie en sortant d'un bus, une nuit. Elle ne prend plus jamais les transports passée une certaine heure. Lorsque je lui dis que je ne me sens pas plus en danger ici qu'à Paris - voire moins - elle me répond : "Ici, les armes sont autorisées. Ce qui rend tout de suite les choses beaucoup plus dangereuses." Je n'y avais pas pensé. A partir de cet instant, mes traversées du Mission seront beaucoup moins sereines.

Nous échouons dans une taqueira mexicaine tout aussi "authentique" que Yamo, quelques jours plus tôt. Nos quesadillas sont préparées devant nous, sur un comptoir graisseux, par des cuisiniers mexicains pur sang dont il est très difficile de comprendre l'accent. Je ne crois pas avoir mangé dans de pareils endroits à Paris. C'est là que je prends conscience de la différence d'importance que nous accordons au rituel du "manger". Même dans nos traiteurs chinois les plus minables, il y a comme une "ambiance" qui se prête au repas, ne serait-ce que par (l'apparente) propreté du lieu. Ici, on vient au restaurant pour ingurgiter de la nourriture, un point c'est tout. Ce sont des lieux purement usuels, non des plaisirs. Et tant pis si on assiste au spectacle d'un gros Mexicain plongeant ses mains douteuses dans le bac à champignons ou si les murs sont délabrés. Les repas sont beaucoup moins ritualisés ; il est même rare de rester plus de vingt minutes dans un restaurant. Du fait de la rapidité du service, d'une part, mais aussi parce qu'il n'y a pas d'intérêt à s'attarder. Je suis toujours un peu perturbée par la vitesse à laquelle nous vidons les lieux à chaque fois.

Après ce repas express, nous marchons longtemps dans le Mission pour atteindre la galerie où nous devons retrouver Lego, le Queen's Nail. L'endroit est minuscle et très peu d'oeuvres sont présentées. Rien de bien intéressant, d'ailleurs. A part une femme soulevant des haltères humains et le résumé de la performance d'une artiste qui est allée devant le tribunal pour un changement de nom... sauf qu'elle a demandé exactement le même, en signe de renaissance, de nouvelle vie. L'idée me plait - vraiment. Et le résumé de l'audience est très drôle.


* Les haltères humains *

Je parle longtemps avec Laurice... comme une renaissance elle aussi de nos années d'enfance. Sauf que les sujets ne sont plus les mêmes. Les discussions sur les lettres à écrire à nos amoureux ont été remplacées par des débats sur la question de l'intérêt pictural - est-il uniquement esthétique? Et la photo dans tout ça?

Nous avons - décidément - bien grandi.

mardi 1 septembre 2009

Mercredi 12 août 2009 : Somewhere over the rainbow

Aujourd’hui, il faut que je prenne l’air. Direction Ocean Beach pour voir la côte.

Je marche sur un sentier bordé de pins géants. L’odeur m’apaise. Au détour d’un virage, je tombe sur une vue incroyable. Le Golden Gate Bridge est face à moi mais le brouillard de San Francisco a été comme posé dessus. Seules les extrémités des longs poteaux s’en échappent. Je suis soufflée.



Je suis face à la baie de San Francisco, qui détient un record de plus de trois cent naufrages à cause des courants forts et du brouillard. Les sirènes des bateaux qui rentrent dans le port résonnent sans cesse – le seul moyen pour eux d’être repérés par les autres navires. J’ai l’impression de regarder un tableau : je suis en plein soleil mais une énorme nappe de fumée me cache l’horizon.



J’engage la conversation avec un couple de Belges, Cédric et Dorothée, tout aussi éblouis que moi par ce panorama incroyable. Ils ne sont là que pour deux jours ; ils repartent déjà demain pour l’Oregon. Cédric, ingénieur en électronique, est venu aux Etats Unis pour un colloque. Ils en profitent pour visiter la Californie en suivant la ligne de chemin de fer. Ici, ils sont hébergés pas un de leurs amis dans les locaux de la NASA. Ambiance glauque et haute sécurité assurée.

Nous continuons la petite randonnée ensemble et terminons dans un quartier où les maisons rivalisent de grandeur et d’élégance. Sous le soleil californien, la balade dans cette atmosphère très « Desperate Housewives » a quelque chose de typique.



Cédric et Dorothée continuent leur route vers le Golden Gate Park. Moi, je décide d’aller voir Baker Beach, ne sachant pas trop ce que je vais y trouver.

Ce que j’y trouve ?

Une plage magnifique au pied du Golden Gate Bridge et de superbes massifs montagneux couleur carmin. L’océan est d’un bleu profond et forme des vagues gigantesques qui interdisent la baignade. Je me laisse littéralement tomber dans le sable tant cet endroit est majestueux.



Je resterai là tout le reste de la journée, allant patauger dans l’eau – pas beaucoup plus froide que la Manche – bullant au soleil, écrivant, discutant avec les pêcheurs, m’émerveillant devant les énormes américains – american size – et les phoques dont la tête sort parfois de l’eau.

En fin d’après-midi, je reçois des nouvelles de Paris. Je réalise que je n’ai pas eu un seul TOC de la journée. Alors je m’allonge dans le sable et je souris. Je m’allonge dans le sable et je souris.